annexe 1c

Les seigneuries aujourd’hui

Madame Margherite Blanc

On évoque ici les deux seigneuries que Charles du Puy a dites pour siennes dans son testament, en 1575, avant d’être exécuté.
On lit : « Charles, seigneur de Montbrun, Ferrassières aux baronnies du Dauphiné » (cf. Chapitre 1, note 8). 

Le château du Montbrun aujourd’hui domine la ville de Montbrun-les-Bains (Drôme). Démantelé sur ordre du Roi en 1560, il en reste d’impressionnantes murailles qui surplombent la ville.

Le château de Ferrassières en revanche, appelé maintenant château de la Gabelle fut construit par Charles du Puy après le démantèlement de Montbrun pour en faire une base solide pour la reprise de ses attaques.
Il a belle allure (http://www.chambre-d-hotes-provence.fr).

*Crédit photo (Auteur : Véronique Pagnier - Chateau de la Gabelle (Ferrassières) - CC BY-SA 3.0)

Encore en ruines il y a quelques années, il renaît des mains même d’une personne exceptionnelle, Madame Margherite Blanc. 

Renaître de ses mains ce n’est pas peu dire. Murs, parois, dalles, plafonds, menuiserie, électricité, plomberie, pose de sanitaires et de carrelages, parquets, peintures, ameublement et décoration… elle a tout fait. Seule.

*Crédit photo (Auteur : Véronique Pagnier - Chateau de la Gabelle - CC BY-SA 3.0)

Pourquoi ?
C’est ce que nous dit Madame Joëlle Brack dans la livraison de juin 2012 du magazine Générations (https://www.generations-plus.ch/?q=magazine/loisirsmaison/tourisme/l%E2%80%99intr%C3%A9pide-dame-de-la-gabelle).
Nous en présentons le texte ci-dessous en remerciant Madame Marie-Claude Lin de son aimable autorisation. 

L’intrépide Dame de La Gabelle

À Ferrassières, au pied du mont Ventoux déjà chanté par Pétrarque, une forteresse imposante s’élance vers le ciel bleu lavande, avec la force d’une longue histoire : la Gabelle fut édifiée en 1560 au cœur du plateau d’Albion par un seigneur réformé, Charles du Puy de Montbrun, qui de là longtemps brava le roi de France. Rudoyé par le temps, le fier château aux quatre tours a bien résisté, ne sacrifiant à la Révolution que ses vastes forêts, jusqu’au début du XXe siècle – puis dut céder peu à peu. 

Le restaurer en une demeure romanesque, lumineuse et accueillante ouverte à tous ? Cette idée n’effleure pas tout de suite l’esprit de Margherite Blanc.
Épouse du propriétaire de ce domaine devenu une exploitation agricole, elle l’aide d’abord à relever les ruines des bâtiments ruraux, tout en élevant leurs sept enfants. C’est le destin qui va la pousser en 1967 à se lancer dans ce projet : brutalement veuve à cinquante ans et soucieuse de ne pas être une charge pour ses deux jeunes fils à la tête de l’exploitation (amandiers, moutons, épeautre et lavande), l’intrépide Margherite prend le taureau par les cornes. Elle décide de transformer le reste du château en chambres d’hôtes. L’idée est simple: assurer son autonomie financière. Mais, évidemment il faut commencer par ressusciter cette partie de l’édifice en ruines.

« Ce fut un tollé » admet en souriant cette femme menue mais débordante d’énergie. « Personne n’y a cru car je n’y connaissais rien et je n’avais pas de moyens. Les seuls à me soutenir étaient le banquier, que j’ai persuadé en lui montrant une chambre-test entièrement réalisée par mes soins, et l’architecte des bâtiments de France, car La Gabelle est classée depuis 1947. Mais, une fois les tours relevées, les gravats ôtés… le crédit était dévoré… Alors, pendant les consolidations, j’ai commencé à aménager le haut, pour faire entrer l’argent : j’ai fait tout moi-même, je n’avais pas le choix ». 

*Crédit photo (Vue aérienne du Château de la Gabelle dans les années 1970. Effondrement de la tour Est dans les années 1960 - www.chateaudelagabelle.fr)

Le goût de l’indépendance

« Tout » est bien le mot : parois, dalles, plafonds, menuiserie, électricité, plomberie, pose de sanitaires et de carrelages, parquets, peintures, ameublement et décoration. Margherite Blanc a assuré elle-même les travaux en trois ans seulement, tiré du néant une confortable demeure et une douzaine de chambres. Au prix d’un travail écrasant mais qui, apprécie-t-elle, « fait que je ne dois rien à personne ». Elle rit encore de la surprise goguenarde des fournisseurs de matériaux de construction, des commentaires dans la région, des nuits sans sommeil où elle récupérait en s’appuyant un moment aux murs fraîchement montés…

Son goût de l’indépendance et du travail bien fait, trouve aujourd’hui sa récompense dans une Gabelle à nouveau belle et vivante. Plus d’une moitié de la forteresse, réhabilitée, abrite derrière ses moellons mordorés des chambres pimpantes et des gites. Une somptueuse allée de tilleuls séculaires ourle les murailles, les tours ont retrouvé leur superbe. Les touristes peuvent savourer la cuisine régionale à la table commune en bavardant avec la gouvernante-cuisinière des coutumes et des cultures. Et en juillet, des soirées de musique enchantent la cour sous le ciel provençal piqueté d’étoiles… De l’autre côté de la cour, les corps de logis encore abandonnés et les fenêtres ouvrant sur l’infini du pays de Giono rappellent d’où est partie Margherite Blanc, mais sans nostalgie : les herbes folles qui glissent graines et fleurs parmi les pierres ne font qu’annoncer la suite des travaux, dont elle se réjouit. 

Il ne manque que les oubliettes

Avoir accompli une tâche aussi lourde à l’âge où l’on songe plutôt à sa retraite ne lui laisse en effet aucune amertume, au contraire. « Je n’ai jamais rien regretté, j’ai appris sur le tas énormément de choses, et j’ai gagné l’estime des professionnels. Je m’estime privilégiée de voir le monde venir à moi, j’ai eu des hôtes de tous les pays, sauf peut-être des Esquimaux ! Ces échanges m’enrichissent, ça ouvre les yeux, c’est merveilleux ! Ma seule déception c’est de ne pas avoir trouvé ici d’archives, de couloir secret, d’oubliettes… »

Non contente de dorloter ses hôtes et de participer (dès 5 heures du matin !) à l’activité de l’exploitation agricole avec ses fils, Margherite Blanc tient dans sa tour un marché de produits du domaine et emmène volontiers les curieux voir comment se font ses lavandes séchées, ses pâtés, son miel, ses savons parfumés : elle n’est pas du genre à garder ses recettes pour elle ! Toujours dynamique est joyeuse elle semble infatigable, alors que le temps passe. La retraite ? « Oui, bien sûr comme tout le monde ! Mais j’ai encore de grands travaux à entreprendre ici, une salle à manger plus belle, peut-être un spa. Après je ferai le chemin de Compostelle. » Les bras chargés de bouquets, elle s’éloigne souriante, à la rencontre de ses prochains hôtes.

Marguerite Yourcenar, disait : « Marguerite, est un prénom de paysanne et de reine », et aucun ne pourrait mieux convenir à la Dame de La Gabelle. 

Margherite Blanc