annexe 26B
Debout les Paras, n°208, avril-mi-juin 2009
par Jean-Claude Sanchez
COLONEL DÉODAT du PUY-MONTBRUN
De tous les coups durs en Indochine
À la libération, le lieutenant Puy-Montbrun est affecté à l’escadron du 8e Régiment de Chasseurs, puis au 1er Régiment de Hussards comme chef d’escadron à cheval, mais placé dans une position hors cadre, dépendant du service Action de la Direction Générale des Études et Recherches (DGER). En 1949, il est affecté au 11e Bataillon Parachutiste de Choc où pendant trois ans, il effectuera de nombreuses missions « délicates ».
Volontaire pour l’Indochine, il est affecté aux TAP. Le Général De Lattre de Tassigny le choisit comme aide de camp, mais Puy-Montbrun reste un homme d’action. Chaque fois que son patron s’absente, il part en opération derrière les lignes du Vietminh avec un bataillon para ou monte des « coups » particuliers. Lors d’un repas avec De Lattre, il lui explique comment créer des commandos pour débarquer sur les côtes d’Annam.
Le célèbre journaliste-écrivain Lucien Bodard écrit de lui, dans l’Aventure : « Puy-Montbrun, ne consent à demeurer à la cour du « Roi Jean » qu’à condition d’avoir de temps en temps une « permission ». Alors, il monte sur une chaloupe d’une étrange armada, une flottille en embuscade sur les houles de la mer de Chine, là où elles déferlent contre la côte de l’Annam rouge. Soudain, quand il a un « tuyau » à exploiter, c’est le débarquement nocturne, le raid sanglant à travers les ténèbres. Leur marche d’approche, c’est celle du silence, celles d’ombres. Si tout va bien, il leur faut tuer et détruire en quelques minutes, avec une précision absolue. Et si le boulot a été fait sans accroc, il leur reste à s’enfuir au galop vers leurs canots. C’est cette fuite qui est la plus périlleuse. Souvent, il faut combattre pour décrocher. Il y a des blessés, des tués à emporter. Chaque fois le réembarquement est un miracle ».
Il participe à la prise de Cu-Laore, aux opérations « Ardoise » et « Automate ». Le capitaine Puy-Montbrun, fort de ses relations avec le colonel Morlane qui dirige le service Action du SDECE et le colonel Belleu, chef des services spéciaux en Indochine, est l’initiateur au sein des Groupes de Commandos Mixtes Aéroportés (GCMA) des débarquements, souvent de nuit, pour semer l’insécurité en pleine zone ennemie.
Durant trente-trois mois, il multiplie les sabotages, implantation d’agents, destruction diverse, recherche de prisonniers, débarquant en zone rebelle plus de 20 fois, entre juillet et décembre 1952. Lors d’un débarquement en pleine zone rebelle, à Quin-Hon, son équipe se bat au corps à corps et il dégage personnellement à l’arme blanche un de ses sous-officiers terrassé par un Viet.
Envoyé en Malaisie, en novembre 1952, Puy-Montbrun prend part à l’opération “Copley”, menée en pleine jungle avec les SAS britanniques. Largués, les paras atterrissent sur des arbres de 60 mètres de haut et plus, d’où ils se laissent glisser au sol par une corde de rappel avant d’entamer une poursuite de 15 jours contre les guérilleros communistes.
Il fait l’admiration des Anglais, à tel point que le colonel Sloane, commandant le 2e SAS, lui adresse une lettre où l’on peut lire : « Vous nous avez grandement impressionnés. Nous vous considérons comme un soldat hors du commun (outstanding soldier) ».
Il continue à se distinguer au sein du 8e Groupement de Commandos Parachutistes (8e GCP), l’unité d’appui des GCMA pour les grosses opérations, adjoint du capitaine Le Borgne. Il participe au raid sur Hoa-Binh et aux opérations de débarquement sur les côtes d’Annam.
Il quitte l’Indochine avec six citations et la rosette d’officier de la Légion d’Honneur. Juste le temps de passer son brevet de moniteur para à la BETAP, de retrouver le service de Cercottes et de rencontrer le commandant Crespin qui lui parle du projet de monter un Groupement Mixte d’Hélicoptères de l’Armée de terre en Indochine, pour amener les troupes au plus près de l’ennemi.
Puy-Montbrun repart aussitôt, au printemps 1954, en Extrême-Orient, y obtient son brevet de pilote et expérimente ce nouveau concept, réalisant encore l’exploit de sauter dans la nuit du 19 au 20 juin 1954, au milieu d’un orage tropical, avec le sergent chef Taxi, tué plus tard en Algérie, et de retrouver trois hommes égarés en plein secteur ennemi. Ils seront récupérés en hélicoptère.
La guerre d’Indochine se termine et Puy-Montbrun revient en France. La Fourragère des TOE lui a été attribuée à titre individuel.
Pionnier des hélices opérationnels en Algérie
La guerre d’Algérie commence. Affecté comme commandant en second du Groupe d’Hélicoptères N°2 (GH2), adjoint du lieutenant-colonel Crespin, le commandant du Puy-Montbrun assure la formation hélicoptère opérationnelle. Il reste sans discontinuer en Algérie de 1955 à 1961, participant cependant à quelques missions spéciales du service Action.
Il prend le commandement du GH2, basé à Sétif, le 1er janvier 1959. Les équipages sont presque tous parachutistes et avec eux, Puy-Montbrun réalisera d’innombrables transports opérationnels et évacuations sanitaires par tout temps. Trois mille heures de vols opérationnels à son actif, pionnier des évacuations sanitaires de nuit, il en réalise personnellement quarante-cinq ; le record.
Cherchant à aller toujours au plus près des combats, au mépris du danger, avec ses pilotes, il découvre tous les jours de nouvelles DZ réputées «impossible», malgré les tirs qui touchent à plusieurs reprises son appareil. Le 29 avril 1958, ayant largué son commando au plus près d’une importante résistance rebelle, il s’aperçoit que le chef de l’unité, gêné par le terrain, s’engage dans une zone dangereuse où l’ennemi risque de lui infliger des pertes sévères. Il se fait lui-même déposer à terre pour lui indiquer le danger et, par son autorité naturelle, redresse la situation. Gravement blessé au cours de l’action, il ne se laisse évacuer que lorsqu’il estime avoir rempli sa mission.
Il est nommé Commandeur de la Légion d’Honneur le 26 septembre 1958, à 38 ans. La citation qui accompagne cette Croix de la Valeur Militaire le qualifie de « Chevalier sans peur et sans reproche ». Il est encore quatre fois cité après cette distinction. Ce qui est plutôt rare.
La fidélité est son honneur
« En 1961, le commandant du Puy-Montbrun rejoint Pau où il est nommé commandant en second de l’ETAP. La période est malsaine ; la guerre d’Algérie prend une autre tournure. De nombreux officiers se rebellent. Puy-Montbrun rassemble ses subordonnés et leur dit : « Ici, à l’ETAP, la vie continue comme avant, mais ceux qui veulent partir le peuvent ».
Un autre jour, un de ses sous-officiers lui présente un homme. Ce dernier se présente : André Canal, autrement dit « le Monocle noir », responsable de l’OAS-Sud, qui lui déclare vouloir prendre des armes au dépôt de la base.
« Pas question » lui répond Puy-Montbrun qui a pris des dispositions pour renforcer la garde. Il faut dire que si Puy-Montbrun n’a jamais appartenu à l’OAS, il n’a pour autant jamais renié ses camarades révoltés. Il écrit à ceux qui sont en prison, leur envoie des colis, de l’argent.
À plusieurs reprises, en grand uniforme, décorations pendantes, il s’est présenté devant les tribunaux pour témoigner en leur faveur, notamment pour l’adjudant Robin, qui risquait sa tête. Après sa déclaration, Maître Tixier-Vignancourt, avocat de Robin, s’est levé pour dire : « Après un tel témoignage, ma plaidoirie devient inutile ».
Bien que noté par son chef, le colonel Brothier, l’ancien patron de la Légion, comme : « l’un des plus brillants officiers supérieurs qu’il me fût donné d’avoir sous mes ordres », Puy-Montbrun est victime d’une certaine méfiance. Et puis, il a son caractère. Il rédige un rapport très dur sur le moral des troupes. Et quand le béret kaki est imposé en été, il persiste à porter son béret rouge. Inscrit au tableau de lieutenant-colonel, il espère prendre le commandement du 13e RDP, mais on l’envoie au 2e Régiment de Hussards à Orléans.
Enfin, établi Grand Invalide de Guerre, il est mis à la retraite d’office en 1964. Et puis, on le récupère pour lui confier le commandement d’un stage de jeunes officiers de réserve à la caserne Dupleix. Il sera enfin nommé colonel.
De l'homme de guerre à l'homme de plume
Déodat de Puy-Montbrun travaille dans une société automobile où il fait la connaissance de Pierre juillet, le futur conseiller du Président Pompidou. Un jour de mai 1968, il rencontre à nouveau juillet qui lui dit : si jamais, il y a un coup dur, viendrez-vous faire le coup de poing avec nous ? ».
Puy-Montbrun s’en ouvre au Général Gracieux, patron de l’UNP à l’époque. « Bien sûr, répond ce dernier, mais à la condition de voir libérer nos camarades » :
Fidélité ! Amitié ! Honneur ! Après cette parenthèse dans le secteur automobile, Puy-Montbrun entre à Paris-Match comme reporter. Il y restera une quinzaine d’années, parcourant le monde pour ses reportages. Il écrit une trentaine d’ouvrages dont :
– L’honneur de la guerre ;
– Chemin sans croix ;
– Au-delà de la peur ;
– et des romans d’espionnage, dont le héros s’appelle Camberra, inspirés de faits vécus ou dont il a connaissance.
C’est ainsi que les Suisses apprirent en lisant « L’homme à la sarbacane » comment un certain Marcel Léopold, négociant en armes pour le FLN, avait été éliminé à Genève, le 19 septembre 1957, par une sarbacane à air comprimé. Il arrête la série car l’éditeur aurait souhaité voir un peu plus d’érotisme dans ses écrits.
Le temps a passé ; les passions se sont apaisées. Le colonel du Puy-Montbrun, membre du Comité d’Honneur de l’UNP, vient de prendre son dernier envol, salué par tous ses camarades et par l’armée actuelle qui reconnaît en lui un modèle. Monsieur Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État aux Anciens Combattants lui a rendu hommage et le Général Hervé Gobilliard, Gouverneur des Invalides, a prononcé un magnifique éloge funèbre aux Invalides.
La France vient de perdre un soldat d’exception. Dans une autre époque, il aurait atteint les plus hauts sommets de la hiérarchie ; n’est-il pas marqué dans ses notes qu’il avait le potentiel d’un général de division, au moins.
Meneur d’hommes, toujours en avant, capable des missions les plus extrêmes, classé dans « l’Élite », désigné comme « officier de tout premier ordre » ou de « chevalier sans peur et sans reproche » par ses supérieurs.
Les Américains ont Rambo, personnage fictif, nous avons Puy-Montbrun, personnage bien réel.
Jean-Claude Sanchez