annexe 24C
Généalogie
Une réflexion sur les recherches
par Déodat du Puy-Montbrun
Que penser de la généalogie ?
La généalogie est une science exacte. Que l’on nous permette cette affirmation péremptoire. Je veux dire par là que rien ne doit être tenu pour vrai en généalogie s’il n’est prouvé par des références contrôlables et irréfutables.
Quelquefois, par calcul il faut l’avouer, ou bien par désir de profit, ou par ignorance, ou par précipitation, certains qui se sont voulus « généalogistes » ont jeté là où ils prétendaient apporter la lumière, des ombres, de graves confusions.
En écrivant, ils ont donné la valeur de chose « imprimée » à des fabulations, des extrapolations osées, de hasardeux échafaudages. Repris par la suite, ces écrits deviennent, dans l’esprit de ceux à qui ils plaisent, vérités et bases de démonstration.
N’étant pas généalogiste, mais allant pas à pas timidement dans cette science et dans des limites précises, nous nous sommes appuyés sur des sources indiscutables et indiscutées. Ce cliché est de rigueur.
En ce qui concerne notre pays, l’Oc, et notre petite patrie, l’Albigeois, nous avons une source précieuse et autorisée, Dom Vaissette dans son Histoire du Languedoc. Dom Vaissette écrit l’histoire en trois parties parallèles : l’histoire, les récits, les preuves. Ces preuves nous renvoient à des pièces originales, et celui qui le cite reste dans le vrai.
Les sources fiables
Pour notre nation englobant Languedoc et Albigeois, nous pouvons nous fier1 à Bazin de Bezons, chargé de recueillir et vérifier les preuves de noblesse du Languedoc à la fin du XVIIe siècle. Nous avons aussi les travaux de tous les « d’Hozier », et enfin Chérin qui fut le sévère généalogiste du roi Louis XVI.
Tous les généalogistes savent que certaines cérémonies, dites des Honneurs de la Cour et qui consistaient à être présenté au roi Louis XVI et à le suivre à la chasse, exigeaient des impétrants, des preuves de noblesse sans faille dont les degrés les classaient dans l’ancienne noblesse2. Chérin, qui avait reçu tout pouvoir du roi, ne se laissait jamais abuser ni intimider3. Le roi lui- même annotait les listes qui lui étaient présentées, approuvait ou refusait de sa main.
La Bibliothèque Nationale, comme les Archives Nationales, ont rassemblé des pièces et des ouvrages sauvés des malheurs des temps des guerres et des révolutions, en quantité suffisante pour établir d’une manière certaine les généalogies de la plupart des familles nobles. Les archives provenant de la Bibliothèque du roi, puis Impériale, sont à la disposition de tous. Encore faut-il que la généalogie recherchée, la famille ou le nom, aient existé autrement que dans une prétention imaginaire.
Il reste encore les Archives Départementales, les Archives Conventuelles, Notariales et les fonds de l’Ordre de Malte.
Leur étude
Et étudiant ces documents, nous devons éviter la compilation sans discernement. Nous devons accepter avec de grandes réserves tous écrits qui ne se réfèrent à aucune autorité s’il s’agit de livres imprimés et particulièrement nous garder, en prenant çà et là quelques notes dans des ouvrages non fondés, de cumuler les erreurs.
La généalogie n’est pas comme l’artillerie, les erreurs ne se compensent pas.
Un autre danger aussi est la dispersion. Il faut s’en tenir au but de sa recherche jusqu’au succès, à la découverte de la preuve ou de l’absence de preuve sans perdre de vue l’axe de travail.
Il reste à dire que dans des œuvres imprimées, même entachées manifestement d’erreur, nous pouvons trouver la perle, le chaînon, qu’il nous manquait et qui nous permet de nous reporter aux pièces originales.
Tout ceci est travail ardu, patient, et le résultat ne peut être présenté qu’avec modestie, sous réserve de toutes nouvelles découvertes, chacun pouvant apporter sa pièce à l’édifice.
Nous devons aussi poser un principe. En généalogie, il est possible et permis, en ce qui concerne les maisons très illustres, celles des dynasties, de se suffire de l’Histoire tout court. Il est bien certain que la dynastie des Capétiens, des ducs de Savoie, est bien prouvée, établie jusqu’à son ascendance la plus reculée. De même, celle des dynasties régnantes du moment où des membres de ces dynasties prétendent ou non au trône.
Pour les dynasties antiques éteintes, nous les retrouvons dans les ouvrages faisant autorité des moines bénédictins. Par contre, dès que la famille étudiée par le généalogiste s’écarte, si elle y fut alliée, d’une dynastie ou d’une grande maison, ou si cette famille n’a aucune alliance illustre, la seule preuve acceptable est la filiation directe par pièces originales, actes d’églises, chartes, testaments, donations, c’est-à-dire toutes pièces notariées et plus tard actes d’état civil ou notariés dûment recoupés le cas échéant par les actes religieux.
Les difficultés
Les homonymies sont nombreuses. Il est certain que, en dix siècles, bien des hommes prirent le même nom. Nous savons bien par exemple que lors de l’abolition de l’esclavage dans les colonies, les malheureux, qui s’étaient vus désigner un prénom chrétien le jour de leur achat, prirent souvent le nom de leur propriétaire. Et nous avons connu des noirs sans aucun métissage porter le patronyme de la Bourdonnais.
Nous savons aussi que des titres accordés par des souverains, y compris le Saint-Siège, même en des temps très nouveaux, furent et sont accompagnés souvent de tel ou tel nom de terre choisi par l’impétrant. Dans le cas où une antique famille ayant porté le nom de cette terre n’a plus de postérité, nul ne peut intervenir. De même pour des changements de noms ou de noms ajoutés avec ou sans titre comme cela fut monnaie courante durant la Restauration et le Second Empire4 et le demeure encore sous les républiques. De là, la nécessité encore prouvée de l’exigence d’une filiation établie par pièces juridiques.
Le nom et les armes
Issus de même père et de même mère ou en tous cas de même descendants, des chevaliers du Languedoc se désignèrent par de Podio ou del Poi. Le « surnom » était en effet un mot ou une composition de mots désignant plus spécifiquement par un signe physique, une qualité, un travers, un individu. Les féodaux prirent le nom d’une terre ou d’un lieu typique. Qui sait de quel premier rocher altier et inexpugnable d’Albigeois la Maison du Puy tira le nom arrivé jusqu’à nos jours, ou bien fut-ce pour marquer l’élévation qu’elle avait atteint ?
Le surnom évoluait lui-même suivant le langage dans lequel on l’exprimait (langue savante le latin, vulgaire, patois gascon ou Oc, catalan) ou même était déformé par l’accent ou l’esprit d’un homme simple. Cause d’erreur, si l’on n’y regarde de près.
C’est ainsi que la difficulté est grande pour le généalogiste et les motifs d’erreur multiples lorsque Hugues N se nommera seigneur de X dans un acte, co-seigneur de Y dans un autre, vidame de telle ville, en recevant la charge et percevant les dîmes, N à nouveau rendant la justice. Lorsqu’il sera nommé dans le testament de son père par le nom (prénom) Hugues, qu’il aura un frère se nommant de même, ce qui était fréquent. Lorsqu’il testera lui-même ou témoignera se nommant du nom d’un fief nouvellement acquis ou hérité et qu’il affectionne.
Ceci est valable pour les « du Puy » d’Albigeois comme pour d’autres familles nobles. Il faudra se référer aux ascendants, aux collatéraux, pour situer exactement celui dont on s’occupe, et ses armes.
En effet, à une époque très reculée, les chevaliers invisibles et cachés à l’abri du heaume et de la visière sentirent la nécessité de se faire reconnaître. Ils choisirent des signes peints ou gravés sur les écus et les oriflammes qui devinrent des « armes » ou « armoiries ». Ces armes désignèrent ensuite une famille et ses descendants directs par les mâles mieux encore que le nom. L’héraldisme occupe donc une place capitale dans l’étude de la généalogie. À toute vérification de l’état de noblesse, il peut être constaté que les armes sont portées et notées, obligatoirement, et qu’elles ont une valeur égale aux actes filiatifs. Les généalogistes du roi, d’ailleurs, étaient des
« juges d’armes ».
Les noms multiples (surnoms) furent largement utilisés jusqu’à la Révolution ou la loi de l’an XI prescrivit que le nom chrétien devenait le prénom et qu’il s’agissait de prendre un nom et de n’en point changer. Des émigrés se virent appliquer cette loi à leur retour d’émigration et obligés de justifier du nom qu’ils portaient.
Mais il s’agissait souvent là de définir un deuxième nom, ou l’agnom complétant celui porté depuis les temps très anciens.
L’écriture du nom
En ce qui concerne la Maison du Puy en Albigeois, le premier surnom dans le contexte féodal fut « de Podio » ou del Poi, déjà déformé par la langue parlée, du latin hauteur, c’est-à-dire en français « du Puy » (pris au sens propre ou au sens figuré). En Oc, ce nom devient « del Puech » ou « Delpuech » et en catalan « del Puig » (prononcé del Puich comme l’on sait, avec le « che »). Ces noms (surnoms) pouvaient s’écrire aussi bien, Delpuech, Delpuig, Dupuy, avec un D majuscule comme on le voit dans les manuscrits. En effet, autre sujet d’erreur : la particule. Un grand nombre de personnes croient de nos jours que la particule était et est uniquement utilisée dans un patronyme noble. S’il est commis une faute de français en ne la marquant pas dans certains cas, elle ne prouve pas pour autant que son porteur soit noble.
Pour ce motif, les féodaux et les nobles d’autrefois n’accordaient — outre qu’ils étaient souvent incultes et avaient recours aux clercs pour écrire lettres et actes — que peu d’importance à la manière dont leur nom était transcrit. lis étaient connus et ces noms étaient toujours précédés de « noble » avec souvent des superlatifs « noble et puissant seigneur… notre seigneur… noble et vénérable… etc. ». Cette qualification désignait l’homme noble.
Après la Révolution, cet usage — conservé par exemple en Italie, nobili ou nobila — étant passé de mode, la régularisation du nom de famille, la croissance de la démographie, ont dicté à chacun de veiller à l’orthographe exacte de leur nom porté sur leur état civil.
Nous avons pu noter, qu’avant 1789, les fils de la Maison du Puy en Albigeois apparaissent sur les actes où signent même indifféremment et souvent dans le même document de manières différentes « du Puy », « del Puech » ou « Dupuy », « Delpuech », « Dupuy de Dupuy », « Dupuy de Delpuech », etc., avec à la suite la désignation de la seigneurie en cause dans l’acte, ou choisie pour telle ou telle raison par l’intéressé : « Seigneur de Fabas, de Cagnac, de Montbrun, etc. »
Après la Restauration, l’orthographe est tout à fait stabilisée dans les pièces d’état civil. Elle peut être l’objet d’altérations par des copieurs incultes comme cela se voit encore et très souvent aujourd’hui.
Plusieurs du Puy
Dans les manuscrits de la Bibliothèque Nationale et en particulier dans Chérin 165, on relève un assez grand nombre de familles « du Puy » avec ou non un agnom accolé, soit par un trait d’union, soit par une particule.
Chérin reconnaît, en ce qui concerne le Languedoc, une famille « du Puy, seigneurs de Goynes », venue de Paris et fixée dans le Montalbanais vers le milieu du XVIe siècle. Il donne le qualificatif de Maison à deux familles « du Puy », la Maison du Puy en Albigeois et la Maison du Puy en Dauphiné.
Certains historiens ou généalogistes n’ayant pas puisé leurs renseignements aux sources autorisées ont erré en ce qui concerne ces deux Maisons et provoqué une cascade d’erreurs en raison de la valeur et de la croyance accordée à la chose imprimée.
Il est nécessaire, avant de traiter de la Maison du Puy en Albigeois, d’éclaircir ce problème quelquefois objet de controverses, ce qui est extrêmement aisé si l’on se réfère aux documents authentiques.
Remarque sur l’ancienneté des du Puy l’Albigeois
Sur ce sujet, il existe dans d’Hozier (dossier 6144) une pièce avec annotation de la main de Chérin. Cette pièce traite de la dynastie des comtes de Melgueil et part de Béranger, comte de Melgueil, marié à Guisle, vers 870.
Elle donne Bernard pour suite, autre Bernard, Raymond, enfin Pierre, comte de Melgueil, marié avec Almodis de la Marche, ayant pour fille Adèle…
De sa main, Chérin a écrit en lettres «mil cent dix » et signé, donnant cette date comme étant celle du premier individu présenté par le mémoire de la Maison du Puy en Albigeois.
Dans ce mémoire, Chérin reconnaît comme armes de cette Maison : « d’or au lion de gueule » (dossier 3341, page 28, dans la marge à gauche).
Retenons que Dom Vaissette dans son Histoire du Languedoc assure que Raymond du Puy, grand maître de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, était très proche parent de Amélius du Puy, évêque de Toulouse , frère de Pierre-Raymond du Puy, marié avec Adèle de Melgueil, petite-fille du comte de Toulouse et d’Almodis de la Marche et fille d’Almodis de Toulouse, épouse du comte Pierre de Melgueil.
Cependant, l’auteur ayant rédigé le mémoire soumis à Chérin et sur lequel Chérin a apposé son visa, tout en plaçant Pierre-Raymond du Puy et Adèle de Melgueil en tête du mémoire, ne se permet pas d’affirmer que Raymond du Puy, le Grand Maître, était parent des « du Puy » en Albigeois. Il ne donne en effet que des faits vérifiés avec les références des documents d’archives. Pierre-Raymond ayant transmis ses possessions à Hugues du Puy, l’auteur du mémoire laisse à Chérin le soin de conclure.
notes
- 1 | NDLR : Depuis cette observation du colonel du Puy-Montbrun, l’ouvrage d’Arnaud Clément (Les Recherches de Noblesse (1666- 1729) Familles maintenues, déchargées ou condamnées, Éditions Patrice du Puy, Paris, 2017 ) montre la prudence impérative avec laquelle on doit utiliser les Recherches de Noblesse. Ainsi des Mémoires de Saint-Simon peut-on retenir :
« On sait assez comment se font ces recherches de noblesse. Ceux qui en sont chargés ne sont pas de ce corps… le haïssent et ne songent qu’à l’avilir » et encore « ils font force nobles pour de l’argent. » - 2 | AUTEUR : Étaient considérés comme d'ancienne noblesse les familles déjà nobles en 1400 et qui établissaient leur filiation uniquement par titres originaux. Les anoblis par charge de robe ou par lettres étaient exclus.
- 3 | AUTEUR : B.N. et A.N., honneurs de la Cour.
- 4 | AUTEUR : Que le nom ajouté soit justifié ou pas, par une filiation utérine, la vanité des choses fait que le bénéficiaire de cet « ajout » oublie rapidement son véritable patronyme pour ne porter que celui qui est rapporté. Tout s'écroule lors des preuves à fournir. Certains jugements même très récents font défense à X de ne porter que son deuxième nom.