En relisant le récit de la capitulation de Montségur dans le Cahier d’Études Cathares n° 109 du Printemps 86, je note la présence au bûcher d’un Guilhem de Podio. Ce n’est pas la première fois. Dans d’autres écrits il est nommé Guillaume du Puy. Ne l’oublions pas nous sommes bien loin de la loi du 6 fructidor, le « nom » à cette époque est ce que nous appelons le prénom. Comme il existe de nombreuses personnes qui ont donc le même nom, l’usage veut que pour les distinguer on y ajoute soit un nom de lieu soit un qualificatif.
Nous pouvons trouver parmi la noblesse du temps et durant les périodes de persécutions des cathares un grand nombre de « Guilhem ou Wilhem ou Guillaume » le même étant écrit différemment suivant le scripteur. Mais nous ne trouvons qu’une famille qui a le surnom de « Podio ». C’est la « Maison du Puy ». En 1244 ils n’étaient pas nombreux de cette Maison pour qu’ils soient confondus.
D’où vient « Podio ». Nous allons le voir et tenter de situer Guilhem de Podio qui périt au bûcher de Montségur.
Nous possédons (dans son texte latin) la copie de la charte de rémission d’un autre Guillaume, datée de mai 1264. (Dossier 5 H.Inquisition – Archives départementales du Tarn). Cette charte « pardonne » et absout « Guilhemo de Podio milite » du crime d’hérésie dont s’était rendu coupable son père Pontius Bernardi. Pardon et absolution moyennant une grande partie des possessions du dit Pons Bernard alors « chevalier d’Albi ». Certains écrits disent viguier, on peut voir là interprétation de traducteur. Le titre de viguier date du XIIIe siècle. Il s’agissait plutôt comme on le voit dans les actes de la charge laissée à Pons Bernard par l’évêque, de défendre Albi et de percevoir les dîmes.
Ce Pontius Bernardi est dit dans mes archives de famille et dans les dossiers de la Bibliothèque Nationale : Pons Bernard ou Pons fils de Bernard. Dans ces dossiers où la filiation « directe et sans interruption » va de 1190 à mon arrière grand-père, Pons Bernard est cité dans de nombreuses donations, chartes, actes, concessions par lesquels il reçoit dîmes, terres, châteaux, montrant qu’il était un des grands féodaux de l’époque, il avait droit de Haute et Basse Justice.
Il était marié avec Vierne (que Saint-Allais dit Trencavel, mais la preuve est à rechercher 1190.
Hugues du Puy est fils de Raymond Podio. On peut la trouver dans une opposition du 22 janvier 1329 à la descendance de Pons Bernard où le Procureur de l’Évêque d’Albi nomme la femme de Pons Bernard comme ayant été hérétique : « Vierne Trencavel ». La parenté avec les Trencavel est normale, Pons Bernard étant alors de très haute lignée comme on va le voir.
Chérin, qui ne va pas plus loin que 1110, déclare qu’il s’agit d’une Maison d’origine chevaleresque (noblesse de race qui n’a pas eu à être anoblie). Chérin note que les armes de cette Maison sont « d’Or au Lion de Gueules » (qui furent conservées par la ville d’Albi).
Pons Bernard est le fils de Hugues du Puy dit aussi « Ugo de Podio » qui assita comme témoin à un hommage rendu par Guillaume, Seigneur de Montpellier, à Raymond Comte de Melgueil au mois de mars seigneur en partie du Podaguès et autres possessions. Ce Raymond épouse Pétouille de Berengs, un nom que l’on retrouve aussi à Montségur. Raymond à donc un premier fils Hugues qui est celui qui continue la postérité arrivant à nos jours. Il a aussi un second fils Guilhem ou Guillaume de Podio (appelé aussi dans certains actes del Poig). Mais il est nommé Guilhem de Podio alors qu’il sert comme pleige et garant avec Pierre-Roger de Mirepoix, Raymond Trencavel Vcte de Carcassonne et autres, au testament que fit en 1194. Roger Vicomte de Béziers, d’Alby, d’Agde et de Nîmes. Il combat avec Don Pedro II d’Aragon à Muret. Il rend hommage à Jacques 1er roi d’Aragon et est présent à la conquête de Majorque. Il a un fils nommé Don Pédro qui fera souche et donne la Maison des Puig en Espagne dont un descendant au XVIIIe siècle sera Grand Maître de l’Ordre de Malte.
C’est ici que se place Guilhem retrouvé à Montségur. Il ne peut être qu’un fils de Guilhem frère de Hugues et donc un cousin de Pons-Bernard, unis tous deux dans la foi cathare. Mais on évite d’en parler.
En effet dans la généalogie Chérin qui compte 52 très larges pages d’écriture serrée, nous pouvons remarquer que lorsqu’il s’agit d’un membre de cette Maison dont l’attitude vis-à-vis de Rome et de l’Église catholique est douteuse, il disparaît ou est affligé de la mention « sort inconnu ». Comme ce fut le cas pour une fille : Louise du Puy en des temps plus proches, elle fut mariée au Seigneur d’Hébrail de Roquevidal (château tarnois) Chérin l’a dit mariée à X. Nous avons pu découvrir dans la Revue de Tarn parlant de Roquevidal que Louise s’était mariée à un huguenot. Moyennant quoi elle disparaissait de la généalogie. Ainsi pour ce Guilhem de Podio qui fut peut- être le fils ainé de Guilhem fils de Raymond, désigné par le surnom de « de Podio ». Il n’y avait qu’une famille (Maison) portant ce nom.
Raymond est fils de Pierre-Raymond qui parait être le premier de six frères qui se disent « fils de Guile », et lorsqu’ils se croisent se font surnommer Podio ou du Puy. L’un de ces frères est le Raymond du Puy qui succéda à Gérard Tunc fondateur de l’Ordre de Malte et qui en établit les règles. Nous trouvons cette preuve dans Don Vaissette alors qu’au XIXe siècle où foisonnent les généalogies de complaisance des auteurs donnent le Dauphiné comme origine de ce Raymond. Il y a bien une branche cadette de la Maison du Puy, en Dauphiné, mais elle débute en 1247 date où Raymond était mort. Pierre-Raymond épouse Adèle de Melgueil elle-même fille de Almodis de Toulouse et de Pierre, Comte Souverain de Melgueil, la sœur cadette de Adèle épouse en même temps Guilhem V de Montpellier, c’est montrer le rang de Pierre-Raymond. Pierre-Raymond est fils de Raymond-Akelius seigneur du Podaguès et en partie dans le Narbonnais, l’Albigeois, le Razès et la Catalogne. Raymond-Amelius épouse en 1053 « très haute et puissante Dame Guile », de la Maison des vicomtes de Lautrec, avec dispense car elle est sa cousine issue de germains. Elle lui apporte en dot la seigneurie de Rochefort du diocèse de Lavaur. Raymond-Amelius est le premier fils de Amelius-Raymond alias Amelius de Podio apanagé par son père de la seigneurie du Podaguès. Il est seigneur en partie dans le Narbonnais, l’Albigeois le Razès, la Catalogne avec la « directe » des châteaux de Foix et de Carcassonne.
C’est la possession du domaine souverain du Podagués (Podien-sis Pagus) qui fit prendre à ses descendants le surnom de Podio (du Puy). On lui connait 4 fils dont le second (Donation de 1053) fut Pierre-Amelius, premier dignitaire de l’Église de Toulouse). Il faut noter que Amelius-Raymond est le quatrième fils de Raymond-Guillaume comte en partie du Comnninge, de Cousserans, du Razès et de Foix, seigneur souverain et indépendant du Podaguès. Amelius-Raymond en tant que quatrième fils n’a reçu que le Podaguès et autres places, apanages sans doute considérés comme moins importants que les terres de Foix, du Cousserans et de Comnninges, et s’est ainsi séparé de la branche ainée. Celle-ci a fondé la Maison de Foix. On trouvera deux « Roger » comte de Foix dans une généalogie des Foix présentée par Madame de Saint-Palais.
Mme de Saint-Palais ne donne pas ses sources mais ses études sont sérieuses. On peut voir dans la généalogie des Foix qu’elle présente un mariage en 1151 d’un Roger-Bernard avec une Trencavel. Les alliances des mâles de cette Maison avec les filles Trencavel sont là encore démontrées. La grande Esclarmonde vient de ce mariage. Un autre descendant de Raymond-Amelius de Podio est cité dans cette branche comme hérétique par Mme de Saint-Palais. On voit que à l’époque de « l’hérésie cathare » la Maison du Puy est au premier rang des grands féodaux ayant embrassé la Foi cathare.
Pour mémoire notons que la terre de Foix avec son comté de Foix restent vacants à la mort de Gaston-Phoebus qui n’a pas de postérité mâle. Le Comté passe alors aux branches cadettes par les femmes. Il échouera à Henri de Navarre comme l’on sait. Il n’y a donc pas de descendance mâle de la branche aînée du premier seigneur de Foix, il reste comme descendance mâle la seule lignée du quatrième fils de Raymond-Guillaume qui est devenue la Maison du Puy en Albigeois (plus tard du Puy-Montbrun du Puy-Melgueil. Revenons à Amélius-Raymond. Il était le fils de Raymond- Guillaume qui vivait au milieu du XIe siècle et qui était Seigneur en partie du Comminges, du Cousserans, du Razès et de Foix, seigneur souverain et indépendant du Podaguès. Raymond-Guillaume était le premier fils et héritier principal de Guillaume qui vivait à la fin du Xe siècle et dont le prédécesseur se nommait Amelius-Sinnplicius. Cet Amelius-Simplicius était Seigneur de Comminges, de Cousserans, Carcassonne, Razès et Foix avec en outre des possessions en Albigeois, Narbonnais et Catalogne. Guillaume qui vient d’être nommé lui a succédé dans ses possessions mais on ne trouve pas de références indiquant qu’il était son père par le sang.
La filiation dont il vient d’être parlé est prouvée par les sources qui sont données en renvois. Elle s’arrête au milieu du Xe siècle à cet Amelius-Simplicius, apparemment d’origine Ibéro-Latine. Dans certains ouvrages on trouve des généalogies dites « légendaires » (dans Saint-Palais, par exemple : Esclarmonde de Foix). En cette matière la légende passe après les preuves. Mais il faut bien se pénétrer de la complexité des possessions de ces Maisons en ce temps et de l’obscurité dans laquelle nous sommes de les appréhender. Dans les preuves que nous rapportons ici nous voyons souvent que ces féodaux sont dits : « Seigneur en partie, de « X » ou « Y », cela suppose que d’autres (frères ou cousins) sont en même temps seigneur des dites possessions. Suivant que l’historien suit l’un ou l’autre il aurait tendance à le considérer comme le seul possédant, ce que nous nous gardons de faire.
Il est suffisant de considérer cette généalogie pour se faire une idée de la qualité de ce Guilhem de Podio, cité par Fernand Niel comme ayant accepté le sacrifice à Montségur. Quoique d’une grande Maison féodale il n’est pas indiqué qu’il soit là comme homme d’armes. Son père était compagnon de Pierre-Roger de Mirepoix, son frère grand féodal en Aragon, lui, avait choisi une autre voie. Peut-être était-il entré dans la masse des croyants. Peut-être était-il bonhomme.
Pons-Bernard son cousin qui fait l’objet de la charte de 1264 a nommé son premier fils Wilhem appelé aussi Guilhem et Guillaume. Et c’est ce Guillaume qui a obtenu la charte de rémission. Il l’a payée d’une grande partie de ses pouvoirs, les terres de Lévis en particulier dont on sait à qui elles furent attribuées, la vallée du Monestier et autres dont il est parlé dans la charte. Il a dû aussi oublier la condamnation et la mort de son père et de son oncle Guilhem. Mais pouvons-nous le juger ? Sans lui l’histoire de cette famille n’existerait pas et le vingt-huitième descendant de son premier aïeul connu ne l’aurait pas retrouvé.