Chapitre 1

Préalable
ou
Un furet qui va main en main : le nom du Puy-Montbrun

Le nom que l’on porte aujourd’hui ? Pourquoi donc !? [Voir Annexe 1A]

Autour de cette question les passionnés de généalogie se confrontent dès qu’ils remontent le temps. Peu de temps en arrière d’ailleurs suffit parfois à compliquer la recherche. En effet, bien que la fixation du nom ait été imposée par la République1 en l’An II beaucoup de noms variaient2 au XVIIIe siècle et ont encore évolué au XIXe.

La famille du Puy-Montbrun, seule de ce nom à subsister aujourd’hui (autant qu’on le sache, nous le verrons) est une famille du Puy de l’Albigeois qui présente au cours des siècles une importante succession de noms tels de Podio, del Poig, du Pui, du Puy, Dupuy, Delpech-Dupuy, del Puech, Delpuech, Dupuy du Colombié. Avec une branche appelée de la Riverolle ou du Puy-Melgueil. Et cette liste d’appellations n’est pas exhaustive !

Finalement, à la fixation sous une forme francisée en « du Puy » de son nom le plus ancien – de Podio – « Montbrun » s’est ajouté au nom du Puy. Cet ajout est le dernier d’un jeu de « furet » qui peut intéresser l’amateur de généalogies.

CINQ FAMILLES AVEC du PUY-MONTBRUN POUR NOM

Bien d’autres familles ont porté le nom du Puy-Montbrun (en tout ou en partie) que celles que l’on va présenter mais nous nous intéressons exclusivement ici :

◊ à quatre d’entre elles [Voir Annexe 1B], chacune ayant « du Puy » pour racine de leur nom (que l’on écrit ainsi quoiqu’il en ait été bien différemment au cours du temps), et toutes d’origine féodale3 ;

◊ à une cinquième famille dite autrefois Rocher qui a usurpé le nom du Puy-Montbrun.

L’ajout Montbrun au nom du Puy a migré de la première des familles du Puy qui aurait du être la seule à le porter du point de vue de l’Histoire jusqu’à la famille qui le porte aujourd’hui. Ironie de cette histoire, il a fallu le biais d’une appropriation incorrecte du nom Montbrun pour qu’il en soit ainsi.

La cinquième famille, elle, s’est vu obligée par publication judiciaire d’en rester au nom qui lui avait été attribué, lequel est sans rapport aucun avec Montbrun.

Tout cela est intrigant et sûrement rare, riche en informations curieuses pour ceux qui s’intéressent à la généalogie.

Une brève histoire du nom pour le lecteur pressé

Le nom, du Puy-Montbrun est d’abord et surtout celui sous lequel est connue une branche des du Puy du Dauphiné formée par les seigneurs de Montbrun4 depuis le XIIIe siècle. Une famille longtemps appelée Dupuy qui devient finalement du Puy-Montbrun. On verra qu’elle pourrait ne pas être éteinte contrairement à ce qui a été dit à la fin du XVIIIe siècle sous l’effet des prestations d’un certain Jacques du Puy.

Cet individu est issu comme les du Puy-Montbrun dont on vient de parler, d’une branche Rochefort des du Puy du Dauphiné d’abord appelée du Puy sans discontinuité depuis le XIIIe siècle.
Il a profité de ce que la branche Montbrun devenue protestante était émigrée pour la faire croire éteinte à la fin du XVIIIe siècle en France et s’en approprier faussement le nom en utilisant une méthode subtile : son admission aux Honneurs de la Cour5.

Voilà un bel exemple pour ceux qui suivent les filiations de père en fils de la plus grande prudence à manifester dans l’étude de ces filiations, fussent les noms écrits dans des pièces dites légales tels des actes de naissance, de mariage ou de décès. Des actes authentiques qui n’ont rien d’authentique du tout.

Son fils, lui, fait tout auprès des généalogistes pour graver dans le marbre le nom du Puy-Montbrun dont son père l’a affublé. On est au début du XIXe siècle. Beaucoup de généalogistes paraissent assez consentants. On verra toutefois, et c’est intéressant, qu’ils ne sont pas si consentants que ça. Ils savent quasiment tous ajouter à leurs propos de connivence obligée un discret coup de pied de l’âne ! C’est très amusant à observer, on le montrera.

Cela dit la branche Rochefort va s’éteindre.
Surviennent alors deux évènements majeurs pour ce qui nous concerne :

Une usurpation jusqu’à ce jour…

Une famille Rocher devenue de Rocher de Labaume Dupuy-Montbrun s’est alliée à la fille du dernier membre de la branche Rochefort que les actes présentent sous le nom inexact de Clotilde du Puy Montbrun Rochefort. Cette famille a voulu ajouter ce nom au sien. Cela lui a été refusé.
Elle s’est faite pourtant appeler longtemps de La Baume du Puy-Montbrun. On montre au lecteur le mécanisme frauduleux qui conduit à cette usurpation.

…et un geste particulièrement étonnant

Le dernier de la branche Rochefort, et donc de la famille des du Puy seigneurs de Rochefort appelés du Puy sans discontinuité depuis plus de quatre siècles a été, on l’a dit, appelé du Puy-Montbrun à sa naissance par son père. Il tient tellement à son nom du Puy-Montbrun qu’il ne peut pas imaginer le voir disparaître6 alors qu’il est sans descendance mâle.

Très étrangement, il demande à une autre famille du Puy elle aussi d’origine féodale comme la sienne et dont il était alors très proche et qu’il estimait beaucoup, de rependre par acte notarié rédigé à Montélimar en 1828 le « Montbrun » qui va s’éteindre avec lui.

Cette famille est une branche des du Puy de l’Albigeois. Elle n’a pas le temps de s’appeler formellement du Puy-Montbrun qu’elle s’éteint aussitôt.

La branche aînée des du Puy de l’Albigeois dont la famille qui s’éteint est une branche cadette va satisfaire, sans grand zèle il est vrai, la demande qui a été faite de reprendre le « Montbrun » tout en francisant en du Puy le nom occitan del Puech ou Delpuech devenu Dupuy qu’elle portait jusque-là.
Elle devient ainsi du Puy-Montbrun.

Aurait-elle pu – dû ? – ne pas le faire. On verra qu’elle était connue des généalogistes du XVIIIe et XIXe siècle comme la branche aînée d’une famille appelée du Puy-Melgueil. Le « Melgueil » avait été ajouté au nom du Puy pour rappeler que, du Puy depuis 1190, elle avait une alliance avec les comtes de Melgueil à cette époque. Un nom qui a été reconnu par une Ordonnance7du Roi.

L’hypothèse la plus raisonnable de l’abandon du Melgueil au profit du Montbrun par la branche aînée est que cette famille a certainement tenu à répondre à l’engagement convenu lors de la démarche consignée devant notaire.

D’où un inconvénient. La confondre avec la famille dont, avec raison, l’histoire retient le nom aujourd’hui sous la forme du Puy-Montbrun. Mais avec laquelle toutefois, selon certains généalogistes, elle aurait un lien vers l’an mille, ce que personne aujourd’hui ne peut sérieusement prouver mais que les deux familles et certains généalogistes ont admis.                                                                                                                              

On en vient à la première famille à étudier

La première de ces familles c’est la branche Montbrun des du Puy du Dauphiné, branche constituée au XIIIe siècle.
Elle est la seule à avoir porté, avec le nom d’autres de ses seigneuries telles Reinhalette ou Ferrassières, celui de la seigneurie de Montbrun dans la Drôme devenue Montbrun-les-Bains aujourd’hui [Voir Annexe 1C].

Les derniers de la branche ont été appelés du Puy-Montbrun par les généalogistes voire, pour les degrés les plus récents, en ont utilisé le nom. Deux personnages fameux sont à citer :
Charles Dupuy, seigneur de Montbrun qui a été un grand capitaine protestant8 ;
◊ Alexandre, marquis de Saint-André Montbrun qui a servi notamment Louis XIV dans son opposition aux Turcs en devenant généralissime des armées de Terre de la République de Venise.
En 1620 un troisième personnage apprécié par le roi Henri IV, fils du premier et père du second, Jean ou Jean-Alleman voit ses terres érigées en marquisat par lettre patente. Le titre héréditaire de marquis sera porté pas tous ses successeurs directs.

Cette branche, éteinte en France en 1741 est représentée jusqu’en 1901 à croire ceux des auteurs les plus crédibles par des marquis du Puy-Montbrun.
Cela dit, une extinction dite à l’étranger en 1901 peut-elle être certaine ? La filiation de cette famille mérite d’être examinée avec les informations dont on dispose. On montrera qu’il faut être prudent sur les dires de certains généalogistes, même très récents.

Nous avons ici le souhait qu’internet dont on sait que les apports aux recherches généalogiques sont formidables pourrait aider à connaître un jour la descendance réelle encore non connue de cette famille, tant par les hommes (qui sait ?) que par les femmes (très probablement on le verra).

introduction

Les familles qui ont porté le nom du Puy-Montbrun
ou Pourquoi des personnages malveillants obligent-ils d’écrire ici ?

chapitre 2

Présentation de la première famille du Puy-Montbrun
ou La branche Montbrun de la famille du Puy en Dauphiné à l’origine du nom du Puy-Montbrun

notes

  1. 1 | L’acte fondateur figure toujours dans notre code civil, la Loi du 6 fructidor an II (23 août 1794).
  2. 2 | François Bluche mentionne toutes les difficultés encore présentes à la fin du XVIIIe siècle dans les familles qu’il a étudiées. 

    On lit dans Les Honneurs de la Cour, L’intermédiaire des chercheurs et des curieux (ICC), Éditions Patrice du Puy, Paris, 2000, page 30 :
    Ceux qui savent la caractère imprécis de pareils documents [des Honneurs de la Cour NDLR] où le personnes apparaissent avec…les orthographes les plus variées et généralement avec leurs seuls noms de terre devineront que cela partie la plus délicate du travail fut la restitution des patronymes

  3. 3 | Les généalogistes ne manquent pas d’expressions pour détailler selon eux les origines de l’ancienne noblesse, à savoir celle qui n’a jamais été anoblie et tient son état depuis toujours.

    Philippe du Puy de Clinchamps dans La Noblesse, L’intermédiaire des chercheurs et des curieux (ICC), Éditions Patrice du Puy, Paris, 1996, pages 19 et 20 distingue dans ce qu’il appelle la noblesse immémoriale, celle qui n’a jamais été anoblie :

    • la noblesse féodale des familles suivies dès le XIe siècle dont trois seulement subsisteraient aujourd’hui, les Rohan, d’Harcourt et Rochechouart ;
    • la noblesse chevaleresque des familles régulièrement suivies dès avant le XVe siècle ;
    • la noblesse d’extraction qui comprend les familles qui, sans trace d’état roturier dans les premiers degrés de leur filiation peuvent être suivies dès avant 1550.

    Nous employons ici le terme de noblesse féodale, d’abord parce qu’il est aisément compréhensible. Chacun sait qu’il recouvre une forme d’organisation politique et sociale médiévale caractérisée par l’existence de fiefs et de seigneuries (Le Robert) dans laquelle sont impliquées les quatre familles.

    Nous l’employons ensuite, certes à tort au regard de la définition précédente mais moins à tort qu’en utilisant le mot chevaleresque. En effet les quatre familles dont nous parlons ont toutes une origine certaine, consultable à la Bibliothèque Nationale, qui remonte à la fin du XIIe siècle pour deux d’entre elles et au XIIIe siècle pour les deux autres. Le « dès avant le XVe siècle » de Philippe du Puy de Clinchamps pour la noblesse dite chevaleresque est, s’agissant de ces quatre familles, très largement dépassé [Voir Annexe 1D].

    Nous l’employons enfin parce que les alliances de ces familles à l’époque féodale avec des familles particulièrement puissantes qui vivaient au XIe voire au Xe siècle ne rendent pas l’appellation féodale de leur noblesse aussi éloignée des définitions des généalogistes qu’il y paraît.

  4. 4 | Montbrun devenu Montbrun-les-Bains est un village de la Drôme provençale
  5. 5 | Le protocole des Honneur de la Cour, utilisé par deux des familles, a une importance toute particulière. On y revient en détail plus loin.
  6. 6 | On verra plus loin aussi comment certains généalogistes rendent compte en temps réel de l’émoi suscité chez le dernier de la branche Rochefort par l’extinction de son nom.
  7. 7 | Ordonnance n°8321 du 6 avril 1928
  8. 8 | On trouve notamment mention de ces seigneuries dans la copie du testament de Charles du Puy tel qu’il figure dans la pièce 9 du dossier PO 2405 à la Bibliothèque Nationale, Paris, rue Richelieu.